Toujours pas de retour de la valeur dans les exploitations !

Sur 100 € de dépenses alimentaires, seuls 6,5 € de valeur reviennent aux agriculteurs

Au stade du consommateur, la stabilité des prix des produits emblématiques suivis par l’Observatoire (côte de porc, steak haché, cuisse de poulet, lait UHT, buchette de chèvre, baguette…) est toujours frappante, surtout au regard des sursauts que connaissent les cours des matières premières agricoles. La meilleure illustration en 2017 aura été la situation du beurre, pour lequel les hausses de marché n’ont été que très peu répercutées dans les magasins.

Cette stabilité semble bénéfique aux GMS, puisqu’en 2017 leur marge nette a progressé de 1,3 % à 1,7 % avec une hiérarchie des rayons inchangée. Rappelons que cette marge nette ne concerne que les rayons des produits frais.

A l’inverse de la situation de la grande distribution, l’euro alimentaire montre que sur 100 € de dépenses alimentaires, seuls 6,5 € de valeur reviennent aux agriculteurs.

Enfin le maillon de la transformation est marqué par un défaut de transparence de la part de l’industrie laitière, malgré l’action du Président de l’Observatoire qui a permis la publication des comptes de Lactalis. Il reste nécessaire de mener des travaux complémentaires afin de déterminer les principaux ratios de coûts et de marges. Dans les autres secteurs étudiés, les comptes des industriels sont plutôt orientés à la baisse, mais restent positifs.

Des prix payés aux producteurs inférieurs (en moyenne) aux coûts de production

  • Des difficultés structurelles dans beaucoup de filières

Pour la production de viande bovine, malgré une amélioration du prix moyen entrée abattoir, la hausse de la rémunération permise n’atteint pas le standard établi à 2 SMIC bruts par unité de travail. Elle n’est que de 0,6 SMIC brut pour un élevage engraisseur, de 1,2 pour un naisseur et de 1,7 en naisseur-engraisseur.

De même dans la filière ovine, 2017 est marquée par une légère amélioration de la rémunération permise, sauf pour les modèles « fourragers ». Cependant, dans tous les systèmes la rémunération est en-deçà du standard de 2 SMIC bruts.

Pour les filières poulets standard ou label rouge, ainsi que dindes premium, le coût de production, très lié au prix des céréales, varie peu. Ainsi en 2017 la situation reste identique à 2016, à savoir une non couverture du coût de production. Les résultats de l’OFPM montrent que l’équilibre entre les produits et les charges est quasiment atteint pour la filière du poulet label.

Dans la production de lapin, malgré une nouvelle baisse du coût de l’aliment et une hausse du prix de vente, le coût de production n’est pas couvert.

Dans la filière blé tendre, malgré une nette amélioration des rendements en 2017 consécutivement à l’année catastrophique de 2016, la faiblesse des prix du blé ne permet pas une couverture des coûts de production.

  • Amélioration conjoncturelle pour certaines filières

Bénéficiant d’une embellie sur les prix entre 2016 et le 1er semestre 2017, grâce à la demande chinoise, les producteurs porcins ont pu en moyenne sur 2017 couvrir leur coût de production, relativement stable constitué essentiellement du prix de l’aliment.

Cependant il convient de rappeler qu’il s’agit d’un épisode conjoncturel, qui fait suite à plusieurs années déficitaires pour les producteurs.

Dans le secteur laitier, des améliorations sont à noter, mais la situation reste, néanmoins, compliquée : le coût de production moyen a très légèrement diminué en 2017, à environ 344 € / 1 000 L. A la faveur d’une amélioration du prix moyen, la rémunération permise est de l’ordre de 120 € / 1000 L.

Concernant la production de lait de chèvre, peu de variation du coût de production et du prix, ce qui conduit à une couverture du coût de production pour les exploitations associant la production de lait de chèvre à celle de cultures de vente ou à l’élevage bovin.

La filière des fruits et légumes manque de données sur les coûts de production agricoles, ce qui est par ailleurs une des difficultés rencontrées par la filière pour baser des contrats sur des indicateurs de coût de production.

Des disparités sur la répartition des marges au stade de l’industrie

L’analyse des comptes des industriels est toujours compliquée car d’un secteur à l’autre la source utilisée varie, de même que la volonté des acteurs à participer aux travaux de l’Observatoire.

  • Une année particulière pour les industriels laitiers

Les industriels laitiers, après que Lactalis ait été sommé de publier ses comptes courant 2017, devaient s’engager dans un travail collaboratif avec l’équipe de l’OFPM pour que le rapport 2018 comporte une analyse détaillée des coûts et des marges des entreprises du secteur. Or il semble que le manque de volonté des entreprises associé à la faiblesse des moyens de l’Observatoire aient conduit au report de ces travaux pour 2019.

Cependant à la lumière des indices de prix, il semble que l’année 2017 ait été profitable aux industriels laitiers puisque pour la quasi-totalité des produits, leurs marges brutes ont progressé. En revanche, concernant le produit « beurre plaquette », les industriels ont souffert de leur incapacité à transmettre les hausses de coût à leur aval, ce qui a mécaniquement entrainé une marge brute négative. A l’inverse la hausse du beurre vrac a été en moyenne de 61 % en 2017, elle a été intégralement répercutée aux grossistes achetant au marché de Rungis. Si l’on compare avec le prix du beurre plaquette vendu en GMS, la hausse n’a été que de 6,3 %.

  • Des résultats mitigés pour les industries des viandes

Le résultat de l’industrie d’abattage-découpe que ce soit en porc ou en bovin est en moyenne positif mais en légère baisse sur 2017 du fait de l’augmentation de certaines charges. L’industrie de la charcuterie est dans la même situation.

La meunerie se porte plutôt bien puisque la baisse du prix du blé tendre lui est profitable. Les entreprises des pâtes alimentaires affichent, de leur côté, un résultat à l’équilibre puisque la hausse de certaines charges vient compenser la baisse du prix du blé dur.

Pour le secteur de l’abattage de volailles et de lapins, les comptes 2017 ne sont pas connus au moment de la diffusion du rapport. Pour 2016, les résultats sont en baisse.

La grande distribution voit ses marges progresser dans la quasi-totalité des secteurs suivis

  • La charcuterie, illustration de la force de frappe des GMS

Dans la hiérarchie des rayons au sens de leur rentabilité, la charcuterie est, année après année, en tête de liste. En effet, avec une marge nette supérieure à 5 %, le rayon charcuterie est le 2ème des rayons étudiés en termes de rentabilité (80 % des volumes vendus en libre-service, plus faible en frais de personnel). Il s’agit de l’illustration du poids de la grande distribution à contenir les prix d’achat auprès de leurs fournisseurs pour maintenir un niveau de marge élevé.

Le rayon le plus rentable est celui des volailles avec une marge nette de 6,2 %. Cependant son poids est relativement faible puisqu’il s’agit aussi du plus « petit » rayon étudié en termes de chiffre d’affaires.

La marge nette du rayon des produits laitiers progresse en 2017 conformément à l’évolution des indices de prix, contrairement à l’année précédente. Les frais de personnel sont relativement modestes, de l’ordre de 5,1% du chiffre d’affaires du rayon.

Alors qu’il souffre de pertes importantes et de charges communes réparties élevées liées à sa place dans les magasins, le rayon des fruits et légumes se porte bien. Avec une marge nette de 2,3 %, il s’agit du 4ème rayon le plus rentable.

  • Des rayons d’appel, structurellement déficitaires

Fort contributeur au chiffre d’affaires et « vitrine » indispensable des magasins, le rayon boucherie supporte des charges spécifiques plus élevées que la plupart des rayons. Cela explique en particulier la marge nette négative du rayon, de l’ordre de – 2,2 %. En effet, les pertes liées à la préparation des produits et à leur périssabilité auxquelles il faut ajouter des frais de personnel plus élevés que pour les autres rayons font du rayon boucherie un rayon déficitaire.

Le schéma est quasiment identique pour le rayon boulangerie-pâtisserie-viennoiserie, légèrement déficitaire (marge nette de -0,4 %). En effet, les charges de personnel importantes ainsi que des charges directes élevées (équipements, approvisionnements et superficie du rayon de fabrication) pénalisent la rentabilité de ce rayon. Mais ce rayon où le prix de la baguette est largement inférieur à celui des boulangeries traditionnelles est indispensable pour une GMS.

Résultats détaillés de l’Euro alimentaire

Les résultats contenus dans le rapport 2018 portent sur l’année 2014 et ils font état d’une part relativement faible de la valeur qui revient aux agriculteurs. En effet, sur 100 € de dépenses alimentaires, l’agriculture perçoit 6,5 € alors que les industries alimentaires perçoivent 12 €.

Le poids des importations est également important puisque celles de produits finis pèsent environ 10 % et les importations de produits intermédiaires sont de l’ordre de 15 %. Ces résultats impliquent qu’un quart des 233 milliards d’euros consommés par les ménages français sert à rémunérer des opérateurs économiques basés hors de France, soit environ 60 milliards d’euros.

La part des taxes dépasse également celle de l’agriculture, puisqu’elle atteint 10 %. La restauration perçoit 14 € des dépenses alimentaires.

Enfin l’OFPM indique un chiffre de 2,6 millions d’Equivalents Temps Plein travaillant pour assurer la consommation alimentaire domestique.

Source: Synthèse FNSEA du rapport 2018 de l’observatoire de la formation des prix et des marges ds produits alimentaires